À MA FILLE ADÈLE

Tout enfant, tu dormais près de moi, rose et fraîche

Comme un petit Jésus accroupi dans la crèche;

Ton pur sommeil était si calme et si charmant

Que tu n'entendais pas l'oiseau chanter dans l'ombre;

Moi, pensif, j'aspirais la douceur sombre

Du mystérieux firmament.

 

Et j'écoutais voler sur ta tête les anges

Et je te regradais dormir; et sur tes langes

J'effeuillais des jasmins et des oillets sans bruit;

Et je priais, veillant sur tes paupières closes;

Et mes yeux se mouillaeint de pleurs, songeant aux choses

Qui nous attendent dans la nuit.

 

Un jour mon tour viendra de dormir, et ma couche,

Faite d'ombre, sera si morne et si farouche

Qui je n'entendrai pas non plus chanter l'oiseau;

Et la nuit sera noire; alors, ô ma colombe,

Larmes, prières et fleurs, tu rendras à ma tombe

Ce que j'ai fait pour ton berceau.

 

Victor Hugo

(in Pierre Ripert,

Dictionnaire Anthologique

de la Poésie Française

publicado por RAA às 19:42 | comentar | favorito