27
Dez 12

CORRESPONDANCES

 La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

L'homme y passe à travers  des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.

 

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

 

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies

-- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

 

Ayant l'expansion des choses infinies,

Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens

Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

 

Charles Baudelaire

 

CORRESPONDÊNCIAS

 

A Natureza é um templo onde vivos pilares

Pronunciam por vezes palavras ambíguas;

O homem passa por ela entre bosques de símbolos

Que o vão observando em íntimos olhares.

 

Em prolongados ecos, confusos, ao longe,

Numa só tenebrosa e profunda unidade,

Tão vasta como a noite e como a claridade,

Correspondem-se as cores, os aromas e os sons. 

 

Há perfumes tão frescos como a jovem carne,

Doces como oboés e verdes como prados,

-- E há outros triunfantes, ricos, corrompidos,

 

Que se expandem no ar como coisas sem fim,

Como o âmbar, o almíscar, o incenso, o benjoim,

E cantam os arroubos da alma e dos sentidos.

 

(Fernando Pinto do Amaral)

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04
Abr 11

L'ALBATROS

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur des gouffres amers.

À peine les ont-ils déposées sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté deux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau,qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant lémpêchent de marcher.

Baudelaire
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25
Mar 11

PARFUMS EXOTIQUES

Quand, les deux yeux fermés, en un chaud soir d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoreux,
Et des femmes dont l'oeil para sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et des mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

 Charles Baudelaire
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14
Fev 11

À UNE PASSANTE

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit! -- Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?

Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!

Baudelaire
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